Stationnement payant Paris : adieu veaux, vaches, cochons, bonjour vaches à lait
mardi 22 juin 2021 , par
On en parlait depuis un moment et cela semble se concrétiser. Non pas pour 2021 mais pour 2022, soit dans six mois.
De quoi s’agit-il ? Du stationnement payant pour les deux roues à Paris. Sur le principe, pourquoi pas. Il n’y a pas de raison que les deux roues motorisés ne participent pas à la vie collective d’une ville comme Paris. Mais à quelles conditions ?
A compter de 2022, Paris instaure un droit de stationnement de 22.50€ pour les résidents et 0,75€ la journée. Pour les non-résidents, il faudra être attentif à son lieu de stationnement. Les tarifs sont, en effet, différenciés selon les arrondissements. Il en coutera 90€ par mois pour les arrondissements du centre, du 1er au 11ème arrondissement, 70€, pour les autres. Un véritable budget à prévoir pour cette année 2022.
En contrepartie de ce droit de stationner que nous réserve la mairie ? Nous aurons le droit de stationner dans les parkings souterrains. A l’heure actuelle, cent parcs sont susceptibles d’accueillir les deux roues motorisés. En espérant que les places attribuées aux 2RM ne soient pas celles où un quatre roues ne peut pas se garer, celles coincées entre deux poteaux, et que le revêtement soit anti-dérapant en cas de pluie à l’extérieur. Bref, le deux roues quand il ne circule pas, il ne doit plus être visible. Cachez ce 2RM que je ne saurai voir…
130 parcs pour contenir combien de 2RM ? C’est toute la question. Les enquêtes statistiques les plus récentes datent de 10 ans. Entre deux enquêtes, les professionnels des statistiques font des extrapolations. Cependant, le parc des 2RM parisiens est estimé à 570.000 véhicules, dont la moitié est inférieure ou égale à 125cc. Ce ne sont pas ces conductrices et conducteurs que l’on pourra accuser de rechercher l’ivresse de la vitesse.
Nombre de places
Selon les derniers recensements de la mairie, en 2019, il y avait 88.396 places de stationnement 2RM en voirie. Alors même que la mairie de Paris annonce des chiffres différents.
Sous cette mandature, David Belliard maintient l’objectif de réduire de moitié le nombre de places de surface et amputer ainsi les « 60.000 emplacements de l’espace public », au profit de trottoirs élargis, pistes cyclables, espaces végétalisés, terrasses, mobilier urbain… 66.000 ou 88.396, l’écart est notable. Mais il n’est sûr que les 130 parcs, à terme, acceptent et puissent surtout caser un tel afflux.
Parc 2RM sur Paris
Et puisqu’il est question de flux, combien de 2RM circulent dans Paris ?
Certains parlent de 100.000 2RM/j qui traverseraient Paris tous les jours, d’autres estiment que le nombre est doublé. Là encore, les chiffres sont rares. Il faut aller chercher l’information dans une Note Rapide, n°721 de 2016 du très sérieux Institut Paris Région. C’est une mine d’informations, certainement datée mais qui a le mérite d’exister et que certains politiques devraient consulter.
On y apprend que « L’Enquête globale transport (EGT) de 2010 compte 570.000 déplacements (mouvement d’une personne entre deux lieux – une origine et une destination) réalisés par jour en deux-roues motorisé en Île-de-France, soit une part modale de 1,38% et une mobilité moyenne de 0,05 déplacement par personne. À titre de comparaison, cette mobilité est équivalente à celle pratiquée à vélo (0,06déplacement par personne et par jour). D’autre part, 71 % des déplacements en deux-roues motorisé s’effectuent au sein de Paris et de la petite couronne, mais ce mode ne pèse que 2,26% du total des déplacements vers Paris. »
Et si nous comptons bien 570.000 déplacementsx71%, cela représente 404.000 véhicules qui se sont déplacés dans Paris et la petite couronne. Et qui, à un moment donné, vont finir par s’arrêter et se garer. Heureusement que tout ce petit monde ne prend pas cette décision au même moment et au même endroit !
Même si seulement un quart des 2RM de l’EGT cherche à stationner, le nombre de places accessibles est largement inférieur au nombre de véhicules à garer. Et nous sommes loin du compte !
Comptes qui se vident, comptes qui se remplissent
Puisqu’il est question de comptes, la mairie de Paris parle d’équité entre autos et 2RM, d’écologie, de restitution de l’espace public aux piétons… Que de beaux projets en vérité, et qui n’y adhérerait pas ?
La mairie de Paris estime à 30 millions les rentrées de cette manne. Ce qui signifie que dans le même temps, les 2RM se sont appauvris d’autant ! Certains parlent de racket mais libre à eux de penser ce qu’ils veulent. Sur ces millions, les conducteurs 2RM en verront-ils la couleur ? Une organisation des quelques places restantes en voirie pour un accès facilité, une signalisation horizontale non glissante par temps de pluie, des sas vélos ET 2RM aux feux… sans demander la lune, quelques aménagements pour faciliter la vie des 2RM sont les bienvenus. Les 2RM ont donc le droit de payer, mais il semble que le droit en retour n’ait jamais été évoqué.
La mairie de Paris clame haut et fort que les deux roues électriques bénéficieront de la gratuité de stationnement mais à ce jour ils ne sont pas nombreux les conducteurs de 2RM qui peuvent se payer le luxe d’acquérir un 2R électrique. Pour se faire une idée des tarifs, il faut savoir qu’un scooter électrique équivalant à un 50cc thermique coûte le prix d’un bon 125cc thermiques, soit près de 4.000€.
Si après-guerre, le deux roues a démocratisé et facilité les déplacements, la mairie de Paris va instituer le déplacement et le stationnement de castes. D’un côté, un stationnement cher, de l’autre, pour ne pas passer à la caisse du stationnement, il faut débourser encore plus pour s’électrifier. Pour nombre de conducteurs, le passage de l’Euro 5 a déjà marqué la fin des scooters 50cc deux temps, c’est pour eux le coup de grâce avec ce péage au stationnement. Les déplacements et le stationnement pour un jeune stagiaire habitant en banlieue ne sont pourtant pas un luxe mais une nécessité.
Sur Ratp/fr/itinéraire, essayez de calculer un déplacement de banlieue sud-est à banlieue nord-est.
Pollution
Une ville sans pollution atmosphérique ni pollution sonore, c’est le rêve de tout élu. Et la mairie de Paris le fait. Pourtant, le trafic est loin d’être celui de l’A6 qui traverse Lyon ou de l’A86 qui passe sous les fenêtres d’immeubles. Cette ville propre passe par des véhicules électriques. Pour eux, aucun droit de stationnement n’est exigé. Ils pourront donc circuler et surtout stationner comme bon leur semble et profiter des espaces de stationnement en parc ou de surface.
Pourtant, l’énergie électrique est produite à 80% par le nucléaire en France et à l’heure actuelle, la décontamination des sites de production en est encore au balbutiement. Les déchets ne sont pour l’heure pas encore traités et la décontamination est « naturelle ». A peu près 50% de radiations en moins au bout de 500 ans. Il faut donc les enfouir. Et pour produire les métaux nécessaires aux batteries, il faut remuer des tonnes de terre. La pollution n’est plus au bout du pot d’échappement mais elle est déplacée dans l’espace et le temps. Et ce sont nos arrières-arrières- nos arrières-arrières- petits-enfants qui devront gérer.
Effet d’annonce
Cette annonce, maintenant, en période électorale tombe à pic pour rassurer et récolter les faveurs des amoureux de la nature et se mettre à dos les conducteurs de deux-roues. Finalement, cela démontre le peu de poids de ces derniers dans le débat public. Même si la décision de la mairie de Paris a été prise sans réelle concertation.
Il faut espérer pour les deux roues que cette annonce ne sera qu’une annonce sans suite mais la mandature actuelle semble bien déterminée.
Nous vous invitons à parcourir l’article de Célia Cuordifede du journal Marianne, Stationnement payant pour les scooters et motos : "L’objectif est de nous bannir de Paris"
Sources :
Institut Paris Région Note Rapide, n°721.
Les chiffres des déplacements à Paris en 2019 - Ville de Paris.
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