Interfile : autoriser, c’est aussi interdire, au 1er février 2016
vendredi 15 janvier 2016 , par
C’est par le décret n°2015-1750 du 23 décembre 2015 portant expérimentation de la circulation inter-files que le cadre de la pratique de l’interfile a été institué, pratique autorisée à titre expérimental, il faut le préciser.
Vendredi 15 janvier, Emmanuel Barbe, Délégué Interministériel à la Sécurité Routière, a précisé les modalités de la pratique de l’interfile et la méthodologie qui sera déployée pour en assurer le suivi. Le DISR a tenu à rappeler que la pratique de l’interfile est interdite.
4 régions – 11 départements et protocole de suivi
4 régions ont été sélectionnées pour test. L’Île de France, avec Paris, Hauts-de-Seine, Seine-St-Denis, Val-de-Marne, Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Val d’Oise, Lyon avec le département du Rhône, Bordeaux avec la Gironde, et Marseille avec les Bouches-du-Rhône.
C’est le Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) qui est chargé de piloter le suivi de cette opération. Le protocole mis en place est l’observation de zones spécifiques par des équipes sur site. Cette observation se fera par le biais de films et de séquences de 3 fois trois heures au printemps, en été et à l’automne. Il faut espérer que les horaires de ces 3 fois trois heures seront judicieusement choisis.
Les zones expérimentales sont d’ores et déjà mises sous observation pour évaluation d’un « avant » expérimentation. Une cinquième zone, hors champ expérimentation interfile, est également étudié afin de vérifier si la pratique de l’interfile expérimentale dans les autres zones ne crée pas un appel d’air et inciterait à sa pratique.
Des rapports quadritrimestriels seront établis mesurant le taux de bonne pratique interfile, c’est-à-dire respectant les règles de l’expérimentation, les accidents, ainsi que la perception de l’expérimentation tout autant par les conducteurs de 2RM que par les automobilistes. Une enquête annuelle sera menée sur chaque groupe de conducteurs.
Une conduite Interfile et des pratiques différentes
Il y a peu d’études sur la circulation et c’est l’Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux, IFSTTAR, qui a mené enquête en 2012 et 2013. 1250 automobilistes ont ainsi été interrogés dans toute la France, dont 100 en IDF et 201 en PACA.
Cette étude a mis en évidence des pratiques différentes selon les régions. En Île de France, le périphérique est immédiatement associé au mot « interfile ». Sur cet axe, selon Isabelle Ragot-Court, auteure de l’étude, la pratique de l’interfile obéit à des règles et à une codification implicites. Les automobilistes ont certainement été surpris quand ils ont vu les premiers pratiquants interfile opérer de la sorte mais le phénomène étant maintenant massivement pratiqué, ils se résolus à partager l’espace. Aujourd’hui, les automobilistes se serrent sur la droite ou la gauche pour laisser passer les deux roues. Il est toutefois regrettable qu’un certain nombre d’entre eux redoutent de circuler sur les deux voies de gauche. Peur de ne pas pouvoir sortir de la file, crainte de la confrontation avec les 2RM, la conduite sur le périphérique par les automobilistes peut être source d’angoisse, d’insécurité. 68% des automobilistes considèrent que la vitesse des 2RM est beaucoup trop élevée.
A l’exact opposé géographique et des pratiques francilienne, la région marseillaise se caractérise par une pratique de l’interfile « tous azimuts ». L’interfile se pratique dès que la circulation est engorgée et quelque soit le type d’axe. A l’approche des intersections, cette pratique est forcément plus à risque que sur le périphérique parisien où tout le monde roule dans le même sens et entre les deux voies de gauche, sans véhicules entrants. Cette pratique « spontanée », voire individualiste, de l’interfile suscite des réactions de « chacun pour soi » de la part des automobilistes et un partage de l’espace de circulation difficile avec les 2RM.
Priorité sur l’information des professionnels et des usagers - automobilistes et conducteurs d’un deux ou trois-roues motorisé.
L’ensemble des écoles de conduite des zones concernées est informé et dispose d’outils de communication afin de sensibiliser les élèves à la circulation inter-files, dès son lancement.
Des campagnes locales d’information sur les règles à respecter et les bonnes pratiques à destination des motards et des scootéristes ainsi que des automobilistes seront également déployées dans ces zones. Une communication nationale sous forme d’un film digital est programmée.
Autorisé
Autoriser et interdire, et ensuite ?
Sur les zones de tests, la circulation interfile sera donc autorisée à titre expérimental. Ce qui sous-entend que hormis ces zones, elle sera donc interdite. Elle l’était déjà mais pratiquée massivement, la circulation interfile était tolérée. Dès le 1er février 2016, il serait théoriquement possible pour les forces de l’ordre de verbaliser un 2RM pour circulation en interfile hors zone autorisée, un nouveau type d’infraction devrait donc voir le jour…
Selon la définition de la pratique de l’interfile, celle-ci sera donc interdite en ville dès le 1er février 2016 mais dans les faits, il semble difficilement envisageable de voir un 2RM pratiquer l’interfile sur les axes autorisés et arrêter soudainement cette pratique en ville, surtout quand la circulation est engorgée. De même si l’axe routier ne comporte pas de séparateur entre les deux sens de circulation et que le trafic est congestionné, il est difficilement envisageable que le 2RM reste sagement bloqué dans la file de véhicules. L’intérêt d’évoluer en deux roues, de subir les aléas climatiques et la pollution risque d’être fortement revu à la baisse dans ces conditions. Passe encore les amendes pour stationnement, passe encore le manque de place de stationnement, passe encore le fait d’être pointé du doigt pour « mauvaise conduite » mais si les 2RM ne peuvent plus remonter les files en dehors des zones expérimentales, c’en est fini de sa raison d’être.
La panoplie des sanctions est assez large mais pas d’infraction "Interfile" en tant que telle pour le moment :
- Excès de vitesse : contraventions de 135€ à 1.000€, de 1 à 6 points
- Vitesse excessive eu égard aux circonstances : 135€
- Non-respect de la distance de sécurité : 135€, 3 points
- Changement de voie sans avertissement préalable : 35€, 3 points
- Dépassement par la droite : 135€, 3 points
- Circulation en utilisant des feux autres que les feux de croisement : 35€.
Interdit
Hier, après la formation de 7 heures qui a porté un sérieux coup de frein au marché des 125cc, aujourd’hui l’expérimentation de la circulation interfile, il ne faudrait pas que sous prétexte de sécurité et de préservation de vies, ce qui est une bonne chose de toute façon, le deux roues motorisé se voit parqué derrière les autres véhicules, que sa spécifité, facilité et rapidité de déplacement, espace de liberté individuel, devienne l’instrument de sa propre perte. Les revendications de fédérations et associations ont eu des effet pervers.
Plus que jamais le deux roues est sous pression, sous observation, le pronostic vital n’est pas encore engagé mais c’est tout comme. C’est à nous, conducteurs, de montrer que nous sommes responsables et de faire en sorte que cette période d’expérimentation, 4 ans, ne se solde pas par un rejet pur et simple. La bataille qui s’annonce ne se mène pas contre les automobilistes ou contre les pouvoirs publics mais bien contre nous-mêmes. Se raisonner, s’auto-réguler pour exister encore demain, c’est l’enjeu et le défi de cette expérimentation.
A lire également :
Rapport du préfet Régis Guyot : légalisation de l’interfile ?,
Sécurité Routière : experimentation interfile, le principe.
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Messages
1. Interfile : autoriser, c’est aussi interdire, au 1er février 2016, 19 janvier 2016, 14:39, par Ouarese
On ne m’enlèvera pas de l’idée que cette expérimentation n’a d’existence que pour légaliser les mesures répressives à l’encontre des 2 RM qui circulent déjà en interfile aujourd’hui.
Quand je lis que seule l’utilisation de "feux de brouillard" est autorisé, et que l’utilisation de clignotants ou feux de détresse interdite, c’est bien la preuve que les décideurs n’ont aucune connaissance de la réalité du terrain > un automobiliste n’aura plus aucune visibilité de la distance qui le sépare d’une moto dans son rétro, ébloui qu’il sera par les pilotes de maxi-trails (à part eux, quasi aucun 2 roues n’a de feux antibrouillard). Et la pseudo-étude qui a été réalisée avec l’aide d’une centaine de conducteurs de 2RM en région parisienne est une vaste fumisterie, ayant moi-même été abordé pour y participer, mais pas retenu au final (sans aucune confirmation d’ailleurs), alors que j’étais pile dans la cible des tests, réalisant par jour entre 50 et 60 kilomètres de circulation sur autoroute en RP,dont les 3/4 en interfile...
Bref, la limite de vitesse max à 50 km/h est aberrante, car si la circulation est à l’arrêt sur les voies classiques, rouler à cette vitesse (donc avec un différentiel de 50 km/h avec les autres véhicules) est dangereux, et ne permet pas de manœuvre d’évitement. Il aurait été bien plus opportun d’autoriser en interfile un différentiel de vitesse de 20/30 km/h avec les usagers des voies "normales" de circulation...mais là le contrôle de vitesse est beaucoup plus compliqué pour les forces de l’ordre...
Bien des motards et scootards vont se retrouver à pied rapidement, je vous le dit.
2. Interfile : autoriser, c’est aussi interdire, au 1er février 2016, 26 janvier 2016, 21:40, par Brian
C’est bien beau de légaliser mais ce qui était toléré sera finalement interdit quand ce n’est pas autorisé, comme dirait La Palisse.On va se faire allumer tous les matins et tous les soirs. Comme vous le dites, on va pas soudainement ne plus se mettre en interfile parce qu’on arrive en ville après avoir interfilé sur le périf. Cette légalisation c’est une main d’acier dans un gant de velours et elle est là pour broyer le deux roues cette main. Tu rentres dans le rang et tu y restes !