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Contrôle technique deux roues : "non", de la commission des affaires européennes du Sénat

jeudi 11 juillet 2013 , par Arthur

Réunie le 9 juillet, la commission des affaires européennes du Sénat a réaffirmé, sur proposition de M. JeanFrançois Humbert (UMP – Doubs), son opposition au projet de règlement européen tendant à introduire un contrôle technique périodique sur les motos.

Alors que le Conseil avait supprimé ces dispositions, le Parlement européen a décidé le 2 juillet de les réintroduire.

Dans l’optique des négociations qui vont avoir lieu, les sénateurs de la commission demandent au Gouvernement de continuer à s’opposer fermement à l’introduction du contrôle technique.

En effet, l’efficacité des contrôles techniques pour la diminution des accidents de motocycles n’est pas démontrée par les études scientifiques menées dans les pays appliquant déjà cette mesure ; les données utilisées par la Commission européenne paraissent provenir de sources ayant un intérêt à l’adoption du texte.

De plus, le trafic transfrontalier des motocycles demeure réduit et ne justifie pas d’imposer une règlementation uniforme à l’échelon européen. La commission des affaires européennes envisage, si le texte final contenait malgré tout cette disposition, de proposer au Sénat de lancer la procédure conduisant à la saisine de la Cour de Justice pour non-respect du principe de subsidiarité.

Le texte du 4 octobre 212 sur la subsidiarité.

N° 17

SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 octobre 2012
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
 PORTANT AVIS MOTIVÉ
PRÉSENTÉE AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 73 OCTIES DU RÈGLEMENT,
sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement relatif au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques (COM (2012) 380),
PRÉSENTÉE
Par M. Jean-François HUMBERT,
Sénateur

(Envoyée à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.)
(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM. Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, François Marc, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours de sa réunion du 4 septembre dernier, le groupe de travail sur la subsidiarité m’a chargé de vérifier si la proposition de règlement relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, transmise par la Commission en juillet, pouvait contrevenir au principe de subsidiarité.

Ce texte est censé contribuer à atteindre l’objectif d’une réduction de moitié du nombre de victimes de la route d’ici à 2020, fixé par la communication de la Commission du 20 juillet 2010 : « Vers un espace européen de la sécurité routière : les orientations politiques pour la sécurité routière de 2011 à 2020 ». Il vise également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.

Afin d’y parvenir, la proposition de règlement étend, notamment, le contrôle technique obligatoire aux véhicules à deux et trois roues - cyclomoteurs, vélomoteurs, motos, « trikes » et scooters à trois roues - et aux remorques légères. Le texte prévoit également une augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour tous les véhicules.
Abordons, dans un premier temps, la question du contrôle technique obligatoire pour les deux et trois roues.

Aux yeux de la Commission, il existe une nette corrélation entre le nombre des défaillances techniques des véhicules et le niveau de sécurité routière. Au terme d’une évaluation purement statistique - la Commission considère que les défaillances techniques contribuent aux décès proportionnellement à leur implication dans les accidents - elle estime ainsi que 2 000 décès sur les 35 000 enregistrés sur les routes européennes en 2009 ont pour origine un défaut technique. La moitié d’entre eux auraient pu, selon elle, être évités si un contrôle technique adéquat avait été mis en place.

Le texte vise particulièrement les deux et trois roues. Avec 5 100 motocyclistes tués sur les routes en 2008, dont 1 400 conducteurs de vélomoteurs, la Commission juge que cette catégorie est surexposée, alors qu’elle ne représente que 2 % des usagers de la route. 8 % des accidents seraient liés, selon la Commission, à une défaillance technique. Elle propose, en conséquence, d’étendre les contrôles techniques à ce type de véhicule. Rappelons que seize États membres ont d’ores et déjà mis en place un contrôle sur les deux roues, les scooters en étant parfois exempts.

La démonstration mathématique pourrait s’avérer implacable. Il y a lieu pourtant de s’interroger sur la pertinence des chiffres avancés par la Commission. Afin de vérifier la pertinence des chiffres de la Commission, je me suis appuyé sur le rapport MAIDS, une étude approfondie sur les accidents des motocycles, publiée sous l’égide de l’Association des constructeurs européens de motocycles (ACEM) avec le soutien de la Commission européenne. Ce document insiste sur le fait que sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et d’Espagne, moins de 0,5 % d’entre eux sont directement liés à une défaillance technique. Deux des cinq pays étudiés - la France et les Pays-Bas - font partie des onze États membres de l’Union européenne qui n’ont pas mis en place de contrôle technique sur les deux et trois roues.

Au vu de ces chiffres, l’introduction d’un contrôle technique obligatoire ne me semble pas évidente. Il convient de souligner que l’ACEM ne peut être suspectée de vouloir minorer l’impact des défaillances techniques, puisqu’elle s’est elle-même déclarée favorable à l’introduction des contrôles techniques, naturellement souhaitée par les concessionnaires.

Le rapport MAIDS note que la principale cause de défaillance technique tient à l’usure des pneus. Un contrôle technique coûteux ne m’apparaît pas la solution la plus adaptée pour remédier à ce type de problème, le propriétaire d’un deux-roues pouvant aisément s’en apercevoir.

De façon générale, aucun lien ne peut être établi entre une réduction du nombre d’accidents et l’introduction du contrôle technique sur les motocycles. L’Espagne, l’Italie, la Suède ou la Slovénie, qui ont introduit ces contrôles techniques, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années. Le cas de l’Italie est d’autant plus troublant que le nombre de motocycles en circulation a baissé ces dernières années.

Une étude menée par deux chercheurs norvégiens en 2007 renverse la problématique quant à l’effet des contrôles techniques des véhicules sur les accidents. Selon Peter CHRISTENSEN et Rune ELVIK, les défaillances techniques ont une part statistiquement faible dans les accidents.

Par ailleurs, si les contrôles techniques contribuent à une amélioration des véhicules, les deux chercheurs observent néanmoins que le taux d’accident des véhicules contrôlés n’a pas tendance à décliner mais bien à croître. L’étude remet donc en cause le lien avancé par la Commission entre défaillance technique et accidents. Les accidents attribués à un défaut technique reflètent bien plus une tendance des usagers à risquer leurs vies, MM. CHRISTENSEN et ELVIK estimant que « ceux qui ne font pas attention à la sécurité ne font pas plus attention à l’entretien de leur véhicule ». La mise en place du contrôle technique ne saurait en fait améliorer le comportement de ces personnes. Cette étude a d’ailleurs conduit l’Observatoire national de la sécurité routière française (Onsir) à estimer qu’il n’était pas opportun d’étendre le contrôle technique aux motos.

À ces réserves, s’ajoute le fait que la Commission se fonde sur trois rapports de Dekra, un des leaders européens du contrôle technique, pour justifier son intervention. Le rapport 2010 de cette société consacré à la sécurité des motocyclistes insistait sur la nécessaire extension du contrôle technique aux deux et trois roues. Il convient de rappeler que le marché du contrôle des deux roues est estimé à environ 1,5 milliard d’euros.

Il est enfin à noter que la dimension transfrontalière de la circulation des véhicules à deux et trois roues demeure limitée et ne saurait constituer un argument valable en faveur d’une harmonisation européenne.

Venons-en maintenant à l’augmentation de la fréquence des contrôles techniques.
Aux yeux de la Commission, une part importante du total des émissions dues au transport routier provient d’une minorité de véhicules, mal entretenus ou fonctionnant mal. Elle avance ainsi que 25 % de la quantité totale des polluants serait émise par 5 % du parc automobile. Une augmentation de la fréquence des contrôles techniques est susceptible, selon la Commission, de juguler partiellement ce problème, en éliminant plus rapidement les véhicules les plus polluants. Elle devrait permettre, dans le même temps, de répondre aux objectifs de réduction des accidents mortels.

Les contrôles techniques ont lieu généralement, à l’heure actuelle, quatre ans après la première immatriculation, puis ensuite tous les deux ans. Seize États membres ont d’ores et déjà mis en place des dispositifs plus contraignants. La proposition de la Commission préconise de conserver pour les autos un premier contrôle après quatre ans, puis un deuxième deux ans plus tard. Elle souhaite que ce contrôle soit ensuite effectué annuellement. De plus, les voitures et les véhicules utilitaires légers ayant parcouru plus de 160 000 kilomètres à la date du premier contrôle technique, soit au bout de quatre ans, se verraient ensuite contrôlées annuellement. Ces contrôles devraient par ailleurs être plus poussés, puisque le texte de la Commission inclut les systèmes électroniques modernes dans la liste des points à contrôler.

L’harmonisation souhaitée par la Commission pourrait être plus légitime si le parc automobile était uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Or, en l’occurrence, ce parc reflète souvent la situation économique et sociale que peut rencontrer un pays. Ainsi, les véhicules anciens correspondent souvent à des revenus modestes. Dans un contexte économique difficile, l’intensification des contrôles ne risque-t-elle pas de fragiliser un peu plus ceux qui ne disposent pas de moyens leur permettant de changer au moins tous les six ans leur véhicule ?

Si un tel projet devrait bénéficier aux centres de contrôle technique, Dekra en tête, avec une hausse d’activité attendue de 60 %, l’immobilisation du véhicule et le coût du contrôle pour l’automobiliste et le motocycliste - entre 60 et 80 € en France - ne sont pas négligeables. Cette question du coût n’est pas à dédaigner, puisque la Commission prévoit un contrôle plus poussé, puisque visant désormais les systèmes électroniques, et qu’elle souhaite dans le même temps améliorer le système de formation des contrôleurs. Une telle évolution ne sera pas sans conséquence sur la tarification des contrôles.

Soulignons, en outre, que l’évolution technologique des voitures leur permet aujourd’hui de vieillir de mieux en mieux et ne semble pas totalement justifier une intensification du contrôle technique. Rappelons qu’en France, par exemple, le contrôle technique bisannuel ne recale plus que 20 % des véhicules. 85 % des cas sont liés à des défauts mineurs liés à l’absence d’entretien du véhicule, sans rapport avec ses fonctions de sécurité. Par ailleurs, aux termes du rapport de Dominique Lebrun remis en 2007 au Ministre des Transports sur les conditions de mise en place d’un contrôle technique des motos, il semble « difficile d’établir une corrélation entre l’état des voitures et la survenance des accidents car le nombre d’accidents liés à des défaillances techniques est trop faible pour pouvoir recueillir des données ».

Dans ces conditions, il me semblerait plus opportun de laisser à chaque État le soin de maintenir son pouvoir d’appréciation en la matière.
*
Lors de sa réunion du 4 octobre 2012, la commission des affaires européennes a conclu, après débat, au dépôt de la proposition de résolution européenne portant avis motivé qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
PORTANT AVIS MOTIVÉ

La proposition de règlement (COM (2012) 380) poursuit un double objectif :

  •  contribuer à réduire de moitié le nombre de victimes de la route d’ici à 2020 ;
  •  réduire les émissions de carbone associées au mauvais entretien des véhicules.

Vu l’article 88-6 de la Constitution,
Le Sénat fait les observations suivantes :

  •  la proposition tend à promouvoir une harmonisation très poussée des règles en matière de contrôle technique sans que des justifications convaincantes soient apportées. Cette démarche ne paraît pas fondée tant l’impact des défaillances techniques des automobiles comme des motocycles sur les accidents de la route apparait résiduel ;
  • l’’influence des contrôles techniques sur la diminution des accidents de motocycles n’est pas non plus démontrée par les études scientifiques menées sur le sujet dans les pays appliquant déjà cette mesure ; les données utilisées par la Commission européenne paraissent provenir de sources ayant un intérêt dans l’adoption du texte ;
  • le trafic transfrontalier des motocycles, étant globalement de faible ampleur, ne justifie pas non plus d’imposer un contrôle technique obligatoire à ce type de véhicule à l’échelle européenne ;
  • l’augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour les automobiles apparaît contradictoire avec leur évolution technologique qui les rend plus fiables plus longtemps ;
  • les véhicules les plus anciens appartenant généralement à des conducteurs aux revenus modestes, l’intensification des contrôles qui est proposée constituerait une lourde charge pour leurs propriétaires, dont il devrait revenir à chaque État membre d’apprécier l’opportunité ;

Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l’état, le principe de subsidiarité.

Le texte intégral.

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